Étrange visite une nuit de pluie..

Avez-vous déja eu l'usage, bien oisif je vous l'accorde mais au combien parfois mystérieux, de vous aventurer seuls dans les méandres dangereux d'une question orpheline de réponse?

Qu'en avez-vous conclu?

Ce soir là, un homme venait de marcher contre vents et marées jusqu'au domaine et arrivait enfin au château qu'un violent orage zébré d'éclairs séparait des ténèbres.

Théâtre féroce des évènements divins, l'endroit oû trônait l'édifice, paru plus que jamais la place obscure d'un secret en passe d'être révélé. La noble fortification aux fenêtres éteintes eu en cet instant la visite d'un étrange presque étranger qui peut-être se savait ne pas en être un.

L'homme mouillé jusqu'aux os, couvert de cuirs ûsés jusqu'à la coiffe, venait seul et sans autres affaires. Ses bottes marquaient la vérité boueuse d'une longue marche sous les pluies tandis que son visage, moitié recouvert par le haut col ficelé de son mantel, paru aux gens de garde celui du plus sombre des inconnus.

Il ne sembla porter point d'armes, ni marchandises à négocier et une fois au seuil enfin retrouvé du château s'était présenté ainsi d'une voix sèche mais déterminée.

- Gardes, j'ai beaucoups voyagé jusqu'ici. Je puis certifier que la maîtresse de ces lieux m'a attendu aussi longtemps que j'ai été abscent. Veuillez m'annoncer avant que je n'en crève de froid!

Les gardes de faction, en avaient presque perdu l'habitude de recevoir des visites...Alors, en plus de nuit, et par temps de pluie, disons qu'ils ne s'y attendaient vraiment pas...Ils se regardèrent entre eux, ne sachant quel parti prendre...L'un d'eux prit la parole:

-Euh, Messire, c'est que..La Baronne n'est pas là...Nous ne sommes même pas certains qu'elle soit encore vivante, personne ici ne l'a revue depuis des mois..

Le plus vieux décida tout de même de faire mander le valet de chambre de la Baronne..Mieux valait que ce soit un autre qui décide quoi faire, au moins lui n'aurait pas d'ennuis, il se faisait trop vieux pour ça! Il laissa tout de même la vagabond s'abriter dans la salle de garde: là, au moins, il serait sous bonne surveillance!

Le valet, droit comme un i malgré l'heure tardive, parvint à la salle de garde quelques minutes après....

-Messire, la Baronne est, euh...absente. Mais si vous m'indiquez vos noms et qualité, je pourrai sans doute vérifier dans les registres si elle attendait votre visite, comme vous le dites...

A la lueur des chandelles, il ne parvenait pas à bien distinguer le visage du visiteur, et son allure ne valait rien qui vaille, aussi se tenait-il sur la défensive tout en tentant de rester courtois...Il craignait malgré sa disparition de subir les foudres de Roxadana, morte ou vive, il était certain qu'elle trouverait le moyen de lui faire payer une indélicatesse envers un de ses amis...

La réaction des gardes et l'embarras, les propos tenus par l'un d'eux avaient ajouté à la sinistre heure une vague impression de décadence.

Puis on l'avait fait entrer et fait attendre dans la salle de garde.

L'homme avait ôté son tricorne, l'essorant à même le sol, puis s'était affranchis de sa protection de pluie qu'il jetta sur la table où trainait quelques dés et toute l'ampleur d'un manque d'activité qui régnait ici.
Quelques armes trop entretenues pour avoir servie ici et là, des ustenciles bien rangés.
Et l'armoierie rouge vif qui trônait là, dans cette petite salle de garde, et qui certifiait qu'il ne s'était pas égaré.

L'angoisse saisit à nouveau le voyageur, cette impression que le temps avait été ici suspendu et qu'au sein de ces pierres que l'on se refusait à laisser viellir on attendait sans mot dire.

Ses yeux ne quittaient pas le blason et il s'était retourné vivement à l'arrivée du valet.
Quelques regrets et de nouvelles ombres au tableau..

- Mon nom et qualité dis tu?..

L'homme qui faisait face au valet, n'avait rien du vagabond annoncé. Des vêtements de qualité mais usés, rien de notable ni d'exubérant certes mais rien de populaire pour autant. On aurait dit l'un de ces bourgeois crasseux d'une mode oubliée, proche de la façon espagnole.
Il observa le valet, paru ne pas comprendre.

- Les registres.. il n'y aura rien dans celui que tu veux consulter, peut être dans l'autre.. Le garde que j'ai croisé à eu l'indélicatesse pédante de m'avoir annoncé la mort de la Baronne.

Il passa une main sur son visage ravagé par la fatigue et bien plus encore. Des traits familliers, taillés à la serpe, auréolés d'une chevelure désordonnée, presque trop longue, un regard noir et dur abscent de toute amabilités.
Il n'avait pas le goût à sourire en cet instant.

- Que se passe t'il ici..? Plus personne de la famille n'habite la baronnie? Tu ne sembles pas plus en deuil que cet endroit respire le monde. Raconte moi ce qu'on dit sur la disparition de.. Roxdana tu m'éviteras de devoir tirer du lit et secouer les gueux de la région pour y obtenir les dernièrer rumeurs.

Les manières de l'homme bien que rustres laissaient croire à plus de regrêts et de déceptions agacée qu'à une quelconque méchanceté.

L'homme en face du valet ne semblait pas au courant des événements de Bretagne...Il devait venir de bien loin, pour ne pas même savoir ce qu'il advenait de la Baronne, alors même qu'il se disait de ses amis...

-Si fait, Messire, le fils de la Baronne habite toujours icelieu, répondit le valet en prenant garde de ne pas préciser lequel des enfants il s'agissait, après tout Konan n'était encore qu'un enfant, et l'exposer à un inconnu pouvait être une catastrophe pour le destin des Kastell Brient...Mais la Baronne, elle, Par tous les saints bretons, comment lui dire? a disons disparu après un combat dans le Maine. A Roazhon, le Duc de Retz, alors Duc de Bretagne, a répandu le bruit qu'elle aurait déserté pour s'enfuir dans le sud de la France aux côtés d'un ancien Grand Maître, mais nous autres, nous n'en avons rien cru, et avons attendu que des recherches aboutissent.

Alors qu'il débitait cela, il ne put s'empêcher de reculer d'un pas, se rapprochant d'instinct des gardes sans même y faire attention, à la vue de la mine sombre, et même de plus en plus sombre, du visiteur...Plus que de la colère, il croyait lire en lui de la tristesse, et peut-être même plus...il lui fallait poursuivre:

-Mais nous n'avons rien trouvé...Avec l'Intendant, nous avons tout envisagé, y compris qu'elle aurait pu être enlevée par des mainois, des normands, torturée, mais non...Pas de demande de rançon, pas de signalement en tant que prisonnière de guerre, rien...Notre espoir s'est éteint lorsque nous avons appris la mort certaine de son compagnon d'arme et ex-mari, Chitoss d'Amour, le père des triplés. Ils étaient partis ensemble dans l'armée de Kalon, avec le Sieur De Tolosa.
Les semaines ont passé, sans d'autre nouvelle. Jusqu'à ce que..L'autre jour, un domestique a assuré qu'un membre de sa famille avait vu la Baronne à la Cour de Justice de Bretagne...Un messager a été envoyé au château ducal pour en savoir plus, mais il n'est pas encore revenu...Je n'en sais pas plus, Messire, et croyez bien que je le regrette...

Le valet ne savait que faire de cet homme...Le laisser prendre une chambre d'amis, et risquer de faire entrer le loup dans la bergerie, ou bien faire confiance à cette petite voix qui lui disait que cet homme étrange souffrait bien plus de ces révélations qu'il n'était dangereux pour leurs vies à tous? toujours était-il que le valet de chambre de la Baronne ne connaissait toujours pas le nom de cet arrivant...

L'homme avait écouté sans interrompre le précieux valet, contenant à chaque fois qu'une phrase était dite, l'humeur soudaine et l'étonnement qu'il ressentait.

En cet instant, alors qu'on lui racontait l'histoire folle, l'inconnu à plusieurs reprises eu l'envie subite de repartir mais ce fut le nom de "De Tolosa" qui retint son élan couard aussi, lorsque le valet eu terminé, l'homme repris mais cette fois d'une voix calme ..presque effacée.

- Que de choses que je ne sais.. je te remercie bien de m'avoir indiqué celui qui souille le nom de.. ..cette famille. Et si la Baronne est bien vivante je sais pour certitudes que des justes raisons éclaireront son geste. La rumeur est une peste, qui gangrène et jamais ne meurt..

Se parlait-il pour lui même ou répondait-il au valet? Nul ne saurait le dire mais ses yeux s'étaient perdus dans le vide et plus que jamais la fatigue s'entendait dans sa façon de faire.

- ce Chitoss d'Amour..tu me dis qu'il est le père de trois progénitures.. Voilà donc ses trois uniques enfants que je ne connais point..et l'un d'eux vivrait donc ici? Très bien.. J'ai cru bien à tord qu'elle eu de sa matrice autre descendance, une rumeur inavouable de plus.

Il resta silencieux un moment puis repris.

- Je vais dormir ici, dans cette pièce. Je partirais demain aux premières lueures. Au fait, qu'es devenu De Tolosa pendant cette bataille?

-Le Sieur de Tolosa a disparu en même que la Baronne, Messire...Des rumeurs plus insistantes disent qu'il est en Béarn tout comme elle, et même qu'il y serait ambassadeur..

Il connaissait donc le Sieur De Tolosa, qu'aucun domestique de la maison n'appréciait guère d'ailleurs, mais ne savait même pas que la patronne avait des enfants, pourtant presqu'adultes...Etrange, vraiment étrange, cet homme...Le valet ne savait que penser, mais il n'insista pas lorsque le visiteur décida de rester là...Il donna quelques consignes aux gardes pour qu'une paillasse confortable fût ajoutée pas trop loin de la cheminée qu'il ordonna de relancer, et fit porter du pain, du fromage et une cruche de cidre pour l'étranger...

-J'espère que ça vous ira, Messire...Je parlerai de votre présence dès les premières heures à l'Intendant du domaine...Peut-être aurons-nous alors des nouvelles de la Baronne...Je vous souhaite une bonne nuit, Messire...

Et le valet ressortit de la salle de garde, sous le regard peu amène des factions qui n'appréciaient guère qu'un inconnu passât là la nuit, sans doute à les épier...Mais aucun n'osa protester, et les hommes se rassirent à la table et reprirent leur partie de dés...Le valet lui, alla trouver immédiatement Elron, l'intendant, pour lui parler de cette rencontre aussi troublante que mystérieuse...Il n'avait que l'envie de voir déguerpir cet homme, mais son instinct lui soufflait de le retenir quelques temps encore...

Ces nouvelles détestables avaient presque fait rire l'étranger car ce fut bel et bien ainsi qu'il se sentait ce soir, loin de son raffiot, des embruns et des horizons lointains.

Il eu un rire discret, silencieux de l'ironie qui le faisait naître lorsqu'il se fit accepter le logis et qu'on lui installa une paillasse.
Il détacha son regard du feu qu'on préparait et qui eu l'effet d'adoucir le froid endroit de reflets plus vivants, força son sourire auprès du valet et termina la presque conversation.

- Oui ça ira. Merci pour ce repas. Je..

Il cherchait ses mots.

- dis à l'Intendant aussi que je ne suis pas venu seul, mais avec une nouvelle à propos de quelqu'un dont faire état ici serait une bien mauvaise façon je ..crois..
Bonne nuit à toi donc.. que le ciel vous garde ici au domaine qui vous nécessite bien.

La soirée fut courte. L'étranger avait disposé ces vêtements près du feu, une attention dont il n'avait pas fait éloge auprès du Valet - les politesses parfois ne se donnent pas des façons les plus usagées, mais s'entendent d'évidences plus discrètes - puis avait tenté de miser quelques pièces d'argent à quelques jets de dés avec les gardes.
Les hommes avaient, sans doutes par politesse ou manque de choix, acceptés sa brève présence mais le cidre finallement avait fini par avoir raison de l'étranger làs et éprouvé.

C'est ainsi que, encore botté mais délesté de quelques monnaies frappées aux couronnes Royales de France et d'Aragon, l'homme s'endormi pour ne plus se réveiller que lorsque les rayons d'un soleil neuf vint remplacer la tempête de la veille.

Au matin il n'était déja plus là et errait dans le domaine, aux abords du château.
Peut être voulait-il ne pas partir sans en imprimer cette dernière image : de vielles pierres peuplées de fantômes, des vérités à trouver en France et en Bretagne.

Le début de sa quête. La quête de ses débuts aussi.